Comment gérer durablement une exploitation viticole ?

Mon métier me passionne parce qu’il permet d’évoluer, de découvrir de nouvelles pratiques qui se traduisent ensuite dans la qualité des produits que je propose. Je souhaitais ici répondre à la question que beaucoup d’amateurs de vin me posent : comment cultivez-vous vos vignes ? Pourquoi ne pas choisir le bio ? Voici quelques pistes de réponse…

J’ai fait le choix de l’agriculture durable

Mon objectif est de trouver le bon équilibre au sein d’une petite exploitation viticole entre le respect de l’environnement, la rentabilité économique, la gestion des ressources humaines. L’agriculture durable vise à mettre en place une exploitation plus pérenne du territoire. Le défi est de ne pas épuiser les sols et de gérer au mieux le renouvellement des ressources naturelles.
Des vins biologiques ? Pas encore même si mon mode d’exploitation y ressemble de plus en plus. Certains critères demandent encore des investissements coûteux en main d’œuvre et ne me permettraient pas de conserver des tarifs que je souhaite avant tout abordables.
Concrètement, voici les étapes qui m’ont permis d’adopter des démarches plus durables tout en protégeant ma vigne.

La polyculture en héritage.

J’ai hérité ce mode de culture de mes parents et grands-parents. La polyculture a longtemps dominé dans notre région du Quercy. Un grand nombre d’exploitation sont encore entourées par des vignes, des vergers, des céréales, des prairies, des bois… même si la monoculture gagne du terrain. Cette variété est favorisée par la diversité des sols et le vallonnement des exploitations. On observe souvent des céréales et légumes dans les plaines, alors que les raisins, vergers et melons sont sur les coteaux.
J’ai choisi de faire perdurer ce principe de polyculture, tout en développant plus particulièrement les cultures de la vigne et de la prune d’ente. Sur les 40 ha de mon exploitation, la vigne couvre actuellement 15 ha, les prunes d’ente 9 ha et le reste est composé de tournesol, blé, orge et jachères.
La polyculture est un environnement idéal pour la vigne. Elle permet de diminuer le risque de maladie. L’équilibre entre parasites et prédateurs est meilleur et réduit ainsi considérablement le recours aux insecticides.
Cette complémentarité naturelle des espèces est essentielle. C’est également ce principe que j’applique pour améliorer la qualité de mes sols.

Comment je préserve mes sols…

La gestion des sols est une des grandes préoccupations pour un viticulteur. Elle joue un rôle primordial dans la régulation des stress hydriques, dans la préservation de la structure des sols et le maintien d’une vigueur satisfaisante et équilibrée de son vignoble.

Depuis plus de 15 ans, je ne pratiquais que des apports d’engrais organiques et employais, pour les travaux qui le permettaient, un tracteur à chenilles afin de limiter les tassements de sols. En effet, la vigne demande beaucoup d’interventions mécaniques qui tassent les sols, modifient leur structure, affectent leur drainage, empêche la présence de vers de terre… Cela a orienté le choix de mon matériel et m’a obligé à expérimenter de nouvelles méthodes pour aérer le sol.

… et les enrichis grâce aux engrais verts

Depuis 3 ans, je me suis lancé dans les semis d’engrais verts afin de maintenir les apports de matière organique et ce, de la façon la plus naturelle possible. L’autre but de la démarche était de favoriser encore plus l’aération des sols de par l’action décompactante de ces couverts.
Quel est le principe des engrais verts ?
Les mauvaises herbes qui poussent au milieu des vignes la concurrence. Au lieu de désherber, je plante des variétés qui priveront peu la vigne des ressources présentes dans le sol. Les mauvaises herbes ne poussent plus, les insectes pollinisateurs en profitent ainsi que les prédateurs de différents parasites. Une fois leur croissance achevée, je fauche et je broie ces plantes en les laissant sur place. Leur décomposition protège et enrichit naturellement le sol.
Quel engrais vert choisir pour la vigne ?
Le choix des espèces à implanter pour ces engrais vert est limité car en viticulture de cuve, l’irrigation est interdite. Il m’a fallu opter pour des espèces ne concurrençant pas la vigne en période estivale en la privant d’eau. En 2014, j’ai donc débuté par le semis de féverole sur 5 ha et d’avoine sur 4ha, avant de ne semer que des féveroles sur la totalité du vignoble les campagnes suivantes. En effet ces dernières présentent des apports d’azote et de matière sèche plus importants que l’avoine.
Les engrais vert permettent également des économies en supprimant les apports de 600 kg/ha d’engrais organiques.

Protéger la vigne oui, mais de façon raisonnée

L’autre grand défi est de ne pas surprotéger sa vigne.
Le travail en réseau avec d’autres agriculteurs est un moyen d’améliorer ses méthodes de travail. Récemment, en juin 2017, j’ai reçu au Domaine de Guillau des agriculteurs qui participent au réseau Innov’action pour présenter mon exploitation viticole et échanger sur nos pratiques. Depuis environ 10 ans, je participe au Groupe protection intégrée animé par la chambre d’agriculture 82. Là encore, l’objectif est de réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, et plus particulièrement sur nos ressources en eau.
Toujours soucieux de produire le plus naturellement possible et dans l’optique d’une éventuelle conversion vers l’agriculture biologique dans le futur, je raisonne ainsi ma protection. J’agis en fonction des données de la modélisation, des variations climatiques, des observations sur le terrain au quotidien. Je suis ainsi capable de modérer et mesurer mon utilisation de traitements à l’échelle de mon exploitation (on parle d’Indices de Fréquence de Traitement ) et de la comparer avec d’autres vignerons.
Progressivement, ma fréquence de traitement a été réduite, grâce à l’emploi de faibles doses de fongicides en début de campagne, à la suppression de certains traitements insecticides et à la forte réduction des traitements anti-botrytis. Ces résultats ont été obtenus également par la mise en place de nombreuses méthodes prophylactiques qui ont un impact autant sur la pression parasitaire que sur la qualité de la récolte produite (ébourgeonnage, effeuillage et éclaircissage).

J’espère que ces informations vous auront éclairés sur ma conception d’une agriculture durable. Pour moi, c’est un engagement au quotidien plus qu’un cahier des charges à remplir ou un label à satisfaire. Pour découvrir les vins qui sont le fruit de ce travail, c’est par ici…